Soulima Stravinsky to Boulanger
Cosne
December 21, 1939
My dear Mademoiselle,
I knew that you would be with us on this day of cruel and tender memory. You understand that
on this sorrowful anniversary I have felt an infinite affection and it is through this feeling that we
are connected to one another.
To tell you that I am unhappy wouldn’t be the truth. I’ve settled quickly, I will even say
instantly, to this difficult life that I didn’t know before. It’s a curious thing—it makes you
discover certain neglected feelings, unexpected reactions. Good health sustains me, without
which I doubt I could do the harder exercises. My superiors are attentive and intelligent, which is
so important. So, I cannot complain about anything and I thank God for that.
As always, with affectionate thoughts and a faithful heart, I am with you more than ever Dear
Mademoiselle. I am fondly,
Your Sviétik
[P.S.] You would give me such pleasure by sending me a book. Thank you a thousand times for
having suggested it to me.
Soulima Stravinsky à Boulanger
Cosne
le 21 décembre 1939
Très chère Mademoiselle,
Je savais que vous étiez avec nous ce jour de triste et si tendre mémoire. Vous me comprenez,
j’ai senti dans ce douloureux anniversaire une tendresse infinie et c’est à ce sentiment que nous
nous attachons.
Vous dire que je suis malheureux ne serait pas la vérité. Je me suis fait très vite, je dirai même
tout de suite à cette vie dure que je ne connaissais pas encore. Chose curieuse—elle vous fait
découvrir une quantité de sentiments ignorés, des réactions inattendues. La santé très bonne me
fait supporter sans que je m’en doute des exercices les plus durs. Mes chefs sont attentifs et
intelligents ce qui est si important. Je ne puis donc me plaindre de rien et me rend grâces à Dieu.
Toujours en pensées affectueuses et de cœur fidèle avec vous plus que jamais, je vous embrasse,
chère Mademoiselle,
Votre Sviétik,
[P.-S.] En m’envoyant un livre vous me ferez si plaisir. Merci mille fois de ma l’avoir proposé.
Boulanger to Stravinsky
Les Maisonettes
Gargenville
S.O.
December 13, 1939
Dear Igor,
I am with you in such emotion and tenderness in these days of memorializing. I wanted to go and
bring flowers to Mika’s grave on the 30th but I was unsuccessful, I couldn’t go out. But how I
think of Her, of Catherine, of your Mother—and how I love you in Them, [as] I love them in
you.
It is necessary, so as to honor their memory, that you carry on yourself. It was in understanding
God’s will, finding strength still, even in your pain. But your heart’s fatigue felt itself carried
away by your spirit, by it alone. It’s so beautiful to act, again and until the final hour.
I know what you did there. Your radiance and that which you brought to this young girl, anxious
to understand you, wishing to be guided by you, illuminated the clarity of your spirit. Good will
creates such utopias—and even more ideology. The nineteenth century played with people’s
minds by creating false values. The most absurd conception of art, and from there, even the
deformation of the physical [body]—eyes that couldn’t see, ears that no longer knew that music
is about sound. Your role is limitless. Your action—because through works and words you’ve
brought the house back into order. On the one hand sometimes roughly, but . . . the reaction will
only be better.
I have just written to Miss Holl (Longy School) to confirm to her my desire to come next year.
This year I do not wish to leave France. I hope this will happen—and that you will still be there.
I’m going to Paris next week and count on seeing Vera.
Fondly and wholeheartedly,
Your
Nadia B.
Boulanger à Stravinsky
Les Maisonettes
Gargenville
S.O.
13 décembre 1939
Cher Igor,
Avec quelle tendresse et quelle émotion je suis avec vous, dans ces jours de souvenir. Je voulais
aller porter des fleurs sur la tombe de Mika le 30—mal réussi, je n’ai [pas] pu sortir. Mais
comme je pense à Elle, à Catherine, à votre vieille Maman——et comme je vous aime en Elles,
si [et] les aime en vous.
C’était prolonger leur ne que de poursuivre la vôtre [sic]. C’était comprendre la volonté de Dieu,
que de trouver des forces encore, dans votre douleur même. Mais la fatigue de votre cœur à se
sentir emporté encore par votre esprit, par lui-même. C’est si beau d’agir, encore et jusqu’à la
dernière heure.
Je sais ce que vous avez fait là-bas. Votre rayonnement, et ce que vous avez apporté à cette
jeunesse anxieuse de vous comprendre, désirer d’être guidée par vous—éclairée par la clarté de
votre esprit. La bonne volonté crée de telles utopies—et plus encore l’idéologie. Le XIXé s’est
joué des esprits, en créant des fausses valeurs. La plus absurde conception de l’art, et delà, la
déformation même physique—des yeux qui ne voient plus, des oreilles qui ne savent plus que la
musique est du son. Votre rôle est sans limites. Votre action—car, par les œuvres et les paroles,
vous avez réunis la maison en ordre. D’une main parfois rude mais . . . . la réaction n’en sera que
meilleur.
Je viens d’écrire à Miss Holl (Longy School) pour lui donner une confirmation de mon désir de
venir l’an prochain. Cette année je voudrais ne pas quitter la France. J’espère que cela se
réalisera—et que vous serez encore là.
Je vais à Paris la semaine prochaine, et compte bien voir Vera.
Je vous embrasse et suis d’un cœur
Fidèle votre
Nadia B.
Denise Strawinsky to Boulanger
Sancellemoz
Haute Savoie
April 6, 1939
Dear Mademoiselle,
My father-in-law thanks you very much for your letter of March 15, and you can just imagine
how happy he was at the news that everything is ready concerning the Symphony and again he
thanks you very warmly for all the trouble you have taken and for all the effort you have put into
it. He is still waiting impatiently for Mrs. Bliss’s letter, which has not yet arrived.
I am very happy to be able to give you better news about my father-in-law today. I would not
hide from you that, after arriving here, following the painful misfortunes we have had, we were a
bit frightened to learn of his illness, because the doctor has not hidden from us that he foresaw
the possibility of an operation (either for a pneumothorax or a more serious procedure) if he did
not see rapid progress and then just today (we go to the clinic every week for X-rays). Today, the
doctor saw that the sick lung has cleared up and that he has gained 1.2 kg since our arrival here,
which is an excellent sign. It was hugely important for the doctor to see his natural resistance and
defenses. All of this has given us great confidence and allowed us to consider the future with
greater clarity.
My father-in-law thus thinks he will be able to do his American tour, leaving here in the first half
of January. There is one point that needs clarifying. I have therefore written to Dushkin asking
him to find out what has become of the Copley agency that took over my father-in-law’s
interests.
Dear Mademoiselle, my father-in-law would like to write you personally to tell you again how
grateful he was for all you have done, but he spends these days in bed, resting as much as
possible. One day soon, when he is able to resume his normal work, he will write to you.
With deepest and most respectful friendship,
Denise Strawinsky.
Denise Strawinsky à Boulanger
Sancellemoz
Haute Savoie
jeudi 6 avril 1939
Chère Mademoiselle,
Mon beau-père vous remercie beaucoup pour votre lettre du 15 mars, et vous pouvez penser
combien il a été heureux à la nouvelle que tout est fait au sujet de la Symphonie et il vous
remercie encore très chaleureusement de toute la peine que vous avez prise et de tout le cœur que
vous y avez mis. Il attend avec beaucoup d’impatience la lettre promise de madame Bliss qui
n’est toujours pas arrivée.
Je suis très heureuse de pouvoir aujourd’hui vous donner de meilleurs [sic] nouvelles de mon
beau-père, je ne vous cacherais pas qu’en arrivant ici, après les pénibles malheurs que nous
avons eu[s], nous avons été un peu effrayées du mal que [l’]on lui a découvert, car le docteur ne
nous a pas caché qu’il entrevoyait la possibilité d’une intervention (soit un pneumothorax soit
même une intervention plus grave) s’il ne voyait pas de progrès rapides et voila [sic]
qu’aujourd’hui (nous passons toutes les semaines au servis médical pour être vu à la scopie), le
[poumon malade s’est nettement éclairsi [sic] et il a repris 1kg.200—depuis notre arrivée ici, ce
qui est un indice excellent. C’est vous le pensez bien d’une importance capitale pour le docteur
de voir sa resistance [sic] et sa défense.] docteur, en le passant à la respire, a vu que le poumon
malade s’est nettement éclairé et lui-même a repris 1kg 200 depuis notre arrivée ici ce qui est un
indice excellent—C’était d’une importance capitale pour le docteur de voir sa résistance et sa
défense naturelle. Tout ceci nous a donné une grande confiance et nous a permis d’envisager
avec plus de carté [sic] l’avenir.
Mon beau-père pense donc pouvoir faire sa tournée en Amerique [sic], partir d’ici [1ere] moitié
janvier. Il y a un point qu’il faut qu’il éclaircisse. J’ai d’ailleurs écrit à Dushkine [sic] lui
demandant de le faire. C’est de savoir qu’est devenu l’agence Copley qui a pris en mains les
intérêts de mon beau père.
Chère Mademoiselle mon beau-père voulait vous écrire personnellement pour vous dire encore
combien il vous était reconnaissant pour tout ce que vous avez fait, mais tous ces jours il passe
encore son temps au lit pour se reposer complètement, un de ces tous prochains jours, dès qu’il
reprendra son travail normalement il vous écrira.
Je vous demande de croire, chère Mademoiselle, à ma très respectueuse et profonde sympathie.
Denise Strawinsky.
Boulanger to Igor Stravinsky
Gerry’s Landing
Cambridge, Mass
Mr. Igor Stravinsky
Sancellemoz
Haute Savoie
France XIV
May 11, 1939
Dear, Dear Friend,
I cannot tell you the feeling here now that it is known that you’re coming. For me, it is a thing of
momentous importance, because I know what you will do for them, and more important, because
I know you will have peace in which to work—this is in the foundation’s program. This is why, I
tell you, I had such a desire to see you be next year’s “Norton’s Lecturer.”
I live in such a rush that I don’t even dare to speak to you. This is not good, but I am always
thinking of you.
The business with Chicago still isn’t sorted out after everything seemed arranged. But I’m going
to Washington next week before leaving for the West to have, finally, a definitive resolution. The
forced departure of Mrs. Carpenter seems to have called everything into question, it is really
disappointing.
Know at least that I will do everything so that things turn out for the best. Sorry!
Fondly, I am your
Nadia B
Boulanger à Stravinsky
Gerry’s Landing
Cambridge, Mass
Monsieur Igor Stravinsky
Sancellemoz
Hte Savoie
France XIV
11 mai 1939
Cher, Cher Ami,
Je ne peux vous dire le sentiment ressenti ici en apprenant votre venue. Pour moi, c’est quelque
chose d’une importance capitale, car je sais ce que vous ferez pour eux, et surtout la paix que
vous aurez pour travailler, ce qui entre dans le programme de la fondation. C’est vous dire
pourquoi j’avais un tel désir de vous voir être le « Norton’s Lecturer » de l’année prochaine.
Je vis dans une telle hâte, que je n’ose même pas vous parler. Ce n’est pas bien, aussi, mais je
pense à vous, sans cesse.
Les histoires Chicago ne sont pas encore en ordre après que tout semblait arrangé. Mais je vais à
Washington la semaine prochaine avant de partir pour l’Ouest, afin d’avoir enfin une solution
définitive. Le départ forcé de Mrs. Carpenter semble avoir remis tout en question, c’est vraiment
décevant.
Sachez du moins que je ferai tout pour que les choses s’arrangent au mieux de vos interets [sic].
Pardon! [pour une bavure]
Je vous embrasse et suis votre,
Nadia B
Boulanger to Stravinsky
Gerry’s Landing
Cambridge
Mr. Igor Strawinsky
Sancellemoz
Haute Savoie
France
April 12, 1939
I think of you every hour of the day and am saddened not to be able to prove it to you even a
little bit.
Denise wrote me the most moving and tender letter you could imagine. Thank her for me. What
a heart she has!
These words are improper, and I cannot say anything to you. But every day I understand your
importance a little more, and I pray to God that you understand it, too. Perhaps you will find the
courage to fight on. But . . . I know, and I know that time cannot heal such wounds. However, it
seems to me that the memory of Catherine, her dear soul, will remain around you. Like a
blessing, without a word, I would like to comfort you and cry with you.
Time now moves so terribly slowly with work and wears on my heart, but I will be there in July.
Then I will come to you.
To have succeeded with the Harvard plan would have been a joy—maybe next year! May God
give you strength—we are all praying so fervently for you, and I remain connected to you by the
deepest sentiments of which I am capable,
Your
NB
Boulanger à Stravinsky
Gerry’s Landing
Cambridge
Monsieur Igor Strawinsky
Sancellemoz
Haute Savoie
France
12 avril 1939
Je pense à vous à chaque heure de la journée et suis malheureuse de ne pouvoir pas même vous
le prouver un peu.
Denise m’a écrit la plus émouvante et tendre lettre que je puisse imaginer. Remerciez-la pour
moi quel cœur elle a !
Ces mots sont gauches, et je ne peux rien vous dire. Mais je conçois chaque jour un peu plus
votre importance, et je prie Dieu de vous la faire mesurer. Vous trouverez peut-être alors le
courage de lutter. Mais…Je sais, et je sais que le temps ne ferme pas de telles blessures.
Pourtant, il me semble que le souvenir de Catherine, la chère âme, demeure autour de vous.
Comme une bénédiction—que je voudrais, sans mot dire, vous embrasser, et pleurer près de
vous.
Ce temps qui, pour le travail, fait si terriblement, est si long pour le cœur, mais je serai là, en
Juillet [sic], je viendrai alors.
Avoir réussi la combinaison Harvard avait été une joie—peut-être l’année prochaine ! Que Dieu
vous soutienne—nous prions tous, avec tant de ferveur, et je vous demeure attachée par les plus
profonds sentiments que je puisse éprouver.
Votre
NB
Denise Strawinsky to Boulanger
Sancellemoz
Haute-Savoie
France
March 23, 1939
Dear Mademoiselle,
If I dare write to you it is because my father-in-law, who has been horribly taxed by the terrible
misfortune that just befell us, is not in a state to be able to write and has asked me to do so in his
place and to tell you how deeply he was touched by your letter.
We have just settled in in Sancellemoz, because, unfortunately, my father-in-law, given his
generally weakened state caused by the dreadful days he had just endured, had another
pulmonary embolism, like the one he had two years ago in America. The doctors said he needed
to treat it most seriously, and to be rested and well [he must] submit to this isolation.
He has therefore moved his headquarters here, where he can work in the greatest tranquility
without the thousand worries and preoccupations there are in the city—He will promote his
European tours from here.
As for my sister-in-law, Milène and myself, we both greatly needed rest and have come to live
close to him. Théodore is also with us. Now he is in the best condition for his work. Just think,
dear Mademoiselle, how hard it was to cut the family in two, but there was no other solution. So
Nini stayed in Paris with his grandmother and Madubo. They are understood to be leaving the
Faubourg apartment which is linked to too many dreadful memories (and would also be too
expensive). All three of them are going to go live in our small apartment on rue Antoine Chantin.
My father-in-law finds himself forced to abandon his American tour for next December, even
though this has resulted in many weighty concerns for him, but this time it is necessary that he
follow the doctor’s orders completely in order to recover fully. I know how precious your time is
but I also know how happy my father-in-law would be to have news from you, if that were
possible, and I ask you to believe, Dear Mademoiselle, in my deepest and most respectful
affection,
Denise Strawinsky.
P.S. As a matter of course, as far as Durkheim’s concerned, to whom I have just written, my
father-in-law is not telling anyone he is obligated to take a restorative break . . .
Denise Strawinsky à Boulanger
Sancellemoz
Haute-Savoie
France
23 mars [19]39
Chère Mademoiselle,
Si je me permets de vous écrire c’est que mon beau-père, qui a été affreusement éprouvé par le
terrible malheur qui vient de nous arriver, n’est pas en état de pouvoir écrire et m’a demandé de
le faire à sa place et de vous dire combien il a été profondément touché de votre lettre.
Nous venons de nous installer à Sancellemoz, car hélas, mon beau-père a eu un nouvel accident
pulmonaire, comme celui qu’il a eu il y a deux ans en Amerique [sic], étant donné son état
général affaibli, par les atroces jours qu’il vient de passer. Les médecins ont dit qu’il fallait
prendre la chose avec le plus grand sérieux pour arriver avec la repos et le bon air, à envoyer
complètement cette isolation.
Il a donc forcé son centre d’attache ici où il peut travailler dans la plus grande tranquillité sans
les milles soucis et préoccupations qu’il y a en ville—D’ici il rayonnera pour ses tournées
Européennes.
Quant à ma belle-sœur Milène et à moi nous avions toutes deux grand besoin de repos et sommes
venues vivre ici près de lui, Theodore est aussi avec nous. Or il est dans les meilleures conditions
pour son travail. Vous pouvez penser, chère Mademoiselle, combien il a été dur de couper la
famille en deux, mais il n’y avait pas d’autre solution. Nini est donc resté à Paris avec sa grand-
mère et Mademoiselle, ils ont bien entendu quitter l’appartement du Faubourg où trop d’atroces
souvenirs sont liés [et les frais en seraient aussi beaucoup trop considerables]. Ils vont aller vivre
tous trois dans notre petit appartement avec Antoine Chantin.
Mon beau-père se voit dans l’obligation de renoncer à sa tournée en Amerique [sic] pour
décembre prochain, bien que cela entraine [sic] de très lourds soucis pour lui, mais il faut cette
fois-ci qu’il suive entièrement les prescriptions du médecin pour arriver à un rétablissement
absolu. Je sais combien votre temps est précieux mais je sais aussi combien mon beau-père serait
heureux d’avoir de vos nouvelles [si cela est possible] et je vous demande de croire, chère
Mademoiselle, à ma très respectueuse et profonde sympathie.
Denise Strawinsky.
P.S. Bien entendu, à part Durkheim, à qui je viens d’écrire, mon beau-père ne dit absolument à
personne qu’il est obligé de ce [repos] séjour…